Une expédition hivernale en autonomie au Groenland, à la force du corps et du souffle. Pendant près de dix jours, j’ai quitté les repères du monde moderne, accompagné de compagnons, pour plonger dans un univers de glace : banquise figée, montagnes désertes, calotte glaciaire monumentale. Ici, loin de tout, on se rapproche de l’essentiel.

Du port d’Ilulissat aux confins de l’Inlandsis, cette traversée suit la trace des chasseurs inuits et de quelques explorateurs visionnaires. Nuits sous tente ou en cabane, repas cuisinés dans la neige, progression quotidienne dans le froid et le silence : chaque geste s’allège, chaque pas renforce.

Inspiré par les travaux de Jean Malaurie, j’ai entrepris ce raid pour aller à la rencontre des Inuits. Le Grand Nord exerce sur moi une force d’appel irrésistible, presque obsessionnelle. Dans ces contrées, la nuit polaire agit comme un cocon amniotique : elle ravive la nostalgie d’un bonheur perdu, l’émotion d’un monde plus vrai.

Côtoyer les chasseurs m’a révélé leur liberté farouche, leur lien indéfectible avec la nature et les animaux : ours, baleines, morses, chiens. Ici, l’homme n’est pas maître, mais partie intégrante d’un tout. La nature n’est pas chaos, mais ordre subtil, équilibre façonné par le temps et les éléments.

Les Inuits ne théorisent pas cette harmonie : ils la vivent. Leur relation sensorielle avec l’air, l’eau et la faune forge leur pensée, leurs gestes, leur logique sociale. La chasse, acte de survie et de communion, scelle une relation millénaire entre l’homme et son environnement.

Ce raid est une aventure physique et engagée, mais surtout humaine. Dans l’Arctique, ce n’est pas seulement le paysage qui change : c’est aussi notre regard sur le monde. Et sur nous-mêmes..